La piedra filosofal: Assia

Mi primera noticia sobre Assia fue la foto de Dora Maar que abre esta entrada. Años treinta. Una mujer desnuda, el sexo difuminado y los rasgos de la cara velados, que proyectaba una sombra agigantada sobre la pared donde se apoyaba. Los senos breves de la modelo se volvían grandes y picudos. Y las piernas se convertían en máquinas poderosas. El titulo no me decía nada. Assia. Allí quedó la fotografía. En una carpeta. De vez en cuando, muy de vez en cuando, me encontraba otras fotografías con los rasgos de la primera modelo. Pero apenas la menor información salvo que Assia había trabajado de modelo para varios fotógrafos.

Hasta que vi una reproducción de una escultura de Charles Despiau que se encuentra en el museo Boymans van Beuningen de Rotterdam. Es Assia en 1937. Y en la información de la escultura incluye su apellido: Assia Granatouroff. Ya fue muy fácil. La red estaba llena de información. Nacida en 1911, rusa, de familia judía que sufre las medidas antijudias de Nicolás II y que en cuanto puede sale de Rusia y recala en París. Se marcha de su casa a los dieciseis años para vivir la vida de artista en Paris y se gana la vida haciendo de modelo. Durante la invasión de Francia por los alemanes, trabaja para la Resistencia.

En 1994 se organizó una exposición en el Museo de Mont-de-Marsan donde se reunieron cuadros, esculturas y fotografias con Assia de modelo. El catálogo de la exposición venía prologado por un texto de Hélène Lagrange que reproduzco:

“Assia, un peu garçonne, son carré blond, bouclé, encadrant son visage qu’elle offre sans apprêt aux photographes, ses jambes solides, son buste fin, "un corps puissant" selon Elisabeth Lebon (dont le texte reproduit pour la première édition n’est ici pas repris), "qu’aucune maternité ou promesse de maternité n’alourdit." Assia modèle est de fait une promesse de liberté et d’émancipation, pour les femmes et la photographie. En effet, lors de cette période, nombreuses sont les femmes à travailler professionnellement en tant que photographes ; Dora Maar, Germaine Krull, Ergy Landau, Rogi André, Laure Albin Guillot parmi d’autres, et dont les photographies d’Assia sont ici reproduites. C’est également l’ère de la Nouvelle Vision, une vision photographique débarrassée des ultimes avatars du pictorialisme, en passe de perdre ses accents surréalisants. Dans le sillage du futurisme, du simultanéisme, on adore la modernité ; celle des néons électriques, des poutrelles d’acier, des bolides rugissants. La photographie version Nouvelle Vision s’articule donc en quelques propos forts simples ; la lumière, la matière, recherches qu’elle applique aux marchés florissants de la publicité et de l’illustration pour la presse magazine. Appliquées au nu, lumière et matière, permettent une exploration per se, au travers de laquelle on tente de retrouver cette modernité ; fonctionnelle, forte de sa croyance en le progrès au service de l’homme, un corps qui serait donc une machine bien huilée, fait pour l’activité en plein air, l’exercice physique en groupe, bientôt libre de s’ébrouer pendant les congés payés. Assia sera l’incarnation de cet optimisme, bien vite obscurcit par la montée des fascismes. Pour Robert Schall, elle fait la femme araignée, plaquée contre un mur un bras et une cuisse relevés, projetant son ombre arachnéenne. Assia est une forme saine, quand bien même la projection de son ombre dans une photographie de Dora Maar, devient cette fois énorme, proche de celles des femmes que Picasso fait courir sur la plage dix ans auparavant. Avec Germaine Krull, Assia fait de la réclame pour la poudre de riz Gibbs, et la "Walkyrie d’acier" la saisit tout en douceur. Souvent Assia rit, elle n’a que faire d’être tranchée par un cadrage, de devenir femme tronc, de n’être que fesses, seins et ventre. Cinquante ans avant Assia, les modèles étaient photographiés pour servir d’"académies" (c’est à dire d’étude d’après modèle vivant) aux peintres et sculpteurs (Courbet possedait de nombreux clichés, Degas également), et souvent les femmes posaient masquées, afin de pas être reconnues. Peut-être est-ce une justification suffisante à la ré-édition de cet ouvrage, que de suggérer qu’entre pudeur des débuts et impudeur contemporaine dont on fustige la marchandisation de l’image du corps de la femme, il y eut Assia".